воскресенье, февраля 18, 2007


Aujourd'hui, et pour votre édification, l'Ode à l'ardoise, de l'immense Mandelstam (dont en principe je ne devrais même pas porter les insignes tronquées...) dans une traduction personnelle...Ceci dans le but de me remonter le moral (choix hasardeux):


Entre l’étoile et l’étoile, il y a un joint puissant,
Un chemin de silex issu d’un ancien chant,
Langue du silex et de l’air,
Entre le silex et l’eau, entre le fer à cheval et la bague.
Sur le doux schiste des nuages,
Un dessin d’ardoise lactescent_
Non, ce n’est pas l’apprentissage des mondes,
Mais le délire de brebis à demi somnolant.

Nous dormons debout dans la nuit épaisse
Sous notre chaude coiffe en peau de brebis.
La source coule à rebours, vers la roche, elle a un murmure
De chaînette, de pépiement et de paroles.
Ici c’est la peur, ici c’est le progrès qui écrivent
De leur laiteux bâtons de plomb,
Ici arrive à maturation
Le brouillon des élèves de l’eau courante.

Abruptes cités caprines
Feuilleté puissant de silex
Mais qui sont encore les parterres
D’églises ovines et de hameaux !
Le fil à plomb leur fait sermon
L’eau leur enseigne et les affûte le temps ;
Et la forêt transparente de l’air,
En est déjà depuis longtemps saturée.

Comme un frelon mort près des rayons de miel,
Le jour bariolé honteusement est balayé.
Et la nuit, ce vautour, apporte la craie brûlante
Et donne sa pitance à l’ardoise.
Il faudrait effacer, de ce tableau iconoclaste,
Les impressions produites par le jour !
Et, tel un oisillon, secouer de sa main
Les visions déjà transparentes !

Le fruit a mûri. Le raisin a gonflé.
Le jour tempêtait comme un jour tempête.
Et dans les osselets on voyait un jeu tendre
Et dans le midi la pelisse de méchants chiens bergers .
Telle une ordure, depuis la glace des sommets,
_verso d’images vertes_
L’eau affamée dévale,
Se tordant, jouant comme une jeune bête,

Et telle une araignée, elle rampe jusqu'à moi
Là où chaque joint s’éclabousse de lune,
Sur les parois stupéfiées
J’entends les stridences de l’ardoise.
Tes voix, mémoire, donnent-elles leur leçon
En brisant les nuits,
En jetant l’ardoise aux forêts,
En arrachant leur bec aux oiseaux ?

Ce n’est qu’à cette voix que nous comprenons
Ce qui là-bas a griffé, a lutté,
Et nous menons l’ardoise rassise
Là où la voix nous l’a montré.
Je brise la nuit, ardente craie,
Pour y graver l’instant rigide,
Je troque le bruit pour le chant d’une flèche
Je troque l’ordre pour le tremblement de la colère.

Qui suis-je ? Ni l’honnête maçon,
Ni le couvreur ni le navigateur.
Mais je suis l’homme aux deux visages, à l’âme double,
Je suis l’ami des nuits, l’initiateur des jours.
Béni soit celui qui donne au silex
Le nom d’élève de l’eau courante !
Béni soit celui qui noue une ceinture
Au pied des montagnes pour leur offrir un socle !

Et désormais j’étudie le journal intime
des griffures de l’été de l’ardoise,
La langue du silex et de l’air,
strate de ténèbres sur strate de lumière.
Et j’enfoncerai, je le veux, mes doigts
Dans les chemins siliceux issus d’un chant ancien,
Comme les lèvres d’une plaie je ferai se rejoindre
Le silex et l’eau, le fer à cheval et la bague.

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